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Période de jeunesse.

biographe sent le besoin de disculper là-dessus le père du philosophe : quelle imprudence, en effet, d’envoyer un si jeune homme, presqu’un enfant, et de chétive santé, tout seul (avec un valet) dans la capitale[1]! Mais quoi! Descartes ne retrouvait-il pas à Paris un ami plus âgé, le P. Marin Mersenne ? Leur amitié, en effet, fut telle qu’on n’en saurait, semble-t-il, faire remonter trop haut l’origine. Elle ne datait cependant pas du collège de La Flèche : la différence d’âge entre les deux était de près de huit années[2], et Mersenne avait fini ses études depuis quelque temps, lorsque son jeune condisciple parvint dans les dernières classes. D’autre part, Mersenne, qui avait pris l’habit des Minimes au couvent de Nigeon près de Paris, le 17 juillet 1611, et fait profession,le 17 juillet 1612, à Fublaines près de Meaux, revint bien à Paris en octobre de cette année et y fut ordonné prêtre l’année suivante (sa première messe est du 28 octobre 1613) ; mais il partit en province l’avent de 1614, c’est-à-dire en novembre ou décembre, pour aller enseigner la philosophie à Nevers, où il demeura jusqu’à la fin de 1619. Si donc on veut que les relations de Descartes et de Mersenne commencent de bonne heure, il faut faire venir Descartes à Paris les années 1613 et 1614 ; et c’est aussi ce que fait Baillet. Une autre circonstance a pu favoriser encore cette conjecture : la présence à Paris, comme député aux États généraux de 1614,de René Brochard, sieur des Fontaines, oncle et parrain de René Descartes; n’était-il pas naturel que celui-ci allât le rejoindre[3] ? Mais de tout cela nous n’avons aucune preuve.

  1. Baillet, t. I, p. 36-37.
  2. Marin Mersenne naquit le 8 septembre i388, au bourg d’Oizé, dans le pays du Maine (à 21 kilom. de La Flèche et à 26 du Mans). Voir La Vie du R. P. Marin Mersenne, Theologien, Philosophe & Mathématicien, de l’Ordre des Pères Minimes, par F. H. D. C. (Frère Hilarion de Coste.) Paris, Cramoisy, 1644. Réimprimée par Tamizey de Larroque, Paris, Picard, 1894.
  3. Baillet, t. I, p. 38. Ajoutons aussi que Joachim Descartes le père pouvait avoir à Paris des amis à qui il aurait confié son jeune fils. Lui-même avait habité Paris en sa jeunesse : il était avocat au Parlement de Paris, lorsqu'il obtint en 1585 ses lettres de provision pour un office de conseiller au Parlement de Bretagne. (Ropartz, p. 9.)