Page:Descartes - Discours de la méthode, éd. 1637.djvu/13

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Poëſie : Mais ie penſois que l’vne & l’autre eſtoient des dons de l’eſprit, plutoſt que des fruits de l’eſtude. Ceux qui ont le raiſonnement le plus fort , & qui digerent le mieux leurs penſees affin de les rendre claires & intelli- gibles, peuuent touſiours le mieux perſuader ce qu’ils propoſent, encore qu’ils ne parlaſſent que bas Breton,& qu’ils n’euſſent iamais apris de Rhetorique : Et ceux qui ont les inuentions les plus agreables & qui les ſçauent exprimer auec le plus d’ornement & de douceur ne lair- roient pas d’eftre les meilleurs Poëtes, encore que l’art Poétique leur fuſt inconnu.

Ie me plaiſois ſur tout aux Mathématiques, a cauſe de la certitude & de l'euidence de leurs raiſons, mais ie ne remarquois point encore leur vray vſage, & penſant qu’elles ne ſeruoient qu’aux arts Mechaniques, ie m’eſ- tonnois de ce que leurs fondemens eſtans ſi fermes & ſi ſolides, on n’auoit rien baſti deſſus de plus releué. Com- me au contraire ie comparois les eſcris des anciens payens qui traitent des meurs, à des palais fort ſuperbes, & fort magnifiques, qui n’eftoient baſtis que ſur du ſa- ble, & ſur de la bovë. Ils eſleuent fort haut les vertus, & les font paroiſtre eſtimables par deſſus toutes des choſes qui ſont au monde, mais ils n’enſeignent pas aſſez a les connoiſtre, & ſouuent ce qu’ils appelent d’vn ſi beau nom n’eſt qu’vne inſenſibilité, ou vn orgueil, ou vn defe- ſpoir, ou vn parricide.

Ie reuerois noſtre Theologie , & pretendois autant qu’aucun autre a gaigner le ciel ; mais ayant apris com- me choſe tres aſſurée, que le chemin n’en eſt pas moins ouuert aux plus ignorans qu’aux plus doctes, & que les

veritez