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Discours Premier.

je me serve, au commencement, de quelques suppositions, ainsi que j’ai fait en la Dioptrique ; mais je tâcherai de les rendre si simples et si faciles, que vous ne ferez peut-être pas difficulté de les croire, encore que je ne les aie point démontrées.

Je suppose premièrement que l’eau, la terre, l’air, et tous les autres tels corps qui nous environnent, sont composés de plusieurs petites parties de diverses figures et grosseurs, qui ne sont jamais si bien arrangées, ni si justement jointes ensemble, qu’il ne reste plusieurs intervalles autour d’elles ; et que ces intervalles ne sont pas vides, mais remplis de cette matière fort subtile, par l’entremise de laquelle j’ai dît ci-dessus que se communiquait l’action de la lumière. Puis, en particulier, je suppose que les petites parties dont l’eau est composée sont longues, unies et glissantes, ainsi que de petites anguilles, qui, quoiqu’elles se joignent et s’entrelacent, ne se nouent » ni ne s’accrochent jamais pour cela en telle façon qu’elles ne puissent aisément être séparées ; et au contraire que presque toutes celles, tant de la terre que même de l’air, et de la plupart des autres corps, ont des figures fort irrégulières et inégales, en sorte qu’elles ne peuvent être si peu entrelacées qu’elles ne s’accrochent et se lient les unes aux autres, ainsi que font les diverses branches des arbrisseaux qui croissent ensemble dans une haie ; et lorsqu’elles se lient en cette sorte, elles composent des corps durs comme de la terre, du bois, ou autres semblables, air lieu que si elles sont simplement posées l’une sur l’autre, sans être que fort peu ou point du tout entrelacées, et qu’elles soient avec cela si peti-(tes)