Page:Descartes - L’Homme, éd. 1664.djvu/10

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E P I S T R E.

faillible pour le but qu'elle prétend ;l'intelligence ne pou- vant monter plu : haut, que quand elle descend iusqu’à la considération des moindres particularitez. Quel ad- mirable effet de cette conduitte, de voir en moins de trois ans de paix, après trente années de guerre, le Royaume plus riche & plus florissant qu’il n’a iamais esté ? Et quel bon-heur, que cela soit arrivé sous le regne d'un Monarque le plus parfait & le plus achevé qui soit au monde, de Corps, d'Esprit, & de Cœur ? Où ne doit point s'estendre après cela la Gloire du Nom François ! Et quelle louange ne meritez vous point, Monseigneur, de tant de veilles que vous employez si genereusement, pour procurer aux autres le repos que vous vous oftez à vous-mesme ; & pour établir, par le bon ordre & par la discipline que vous mettez, par tout, la Felicite Publique, en mesme temps que vostre Esprit chargé soins & des inquietudes qui en assurent aux autres la iouisance, est le dernier à se res- sentir de ses propres bien-faits. Mais, non, Monseigneur ie me trompe ; & comme si iestois mal-instruit de la grandeur de vostre Ame, ie ne prens pas garde que vous tirez vostre gloire & vostre bon-heurs de la joye que vous avez d'estre la source du bien des autres, & que vous mettez au rang des biens qui vous appartiennent, tous ceux que vous faites, & dont on iouit par vostre Ministere. Et c’est ce qui vous distingue des autres hommes, c’est ce qui fait voir l'estendue & la beauté de vostre cœur, & c’est en quoy consiste le véritable ca-