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MARCELINES DESBORDES-VALMORE

autres et qu’il a provoquée, pour avoir motif d’en finir… parti, ne lui laissant que ses yeux pour pleurer, son enfant pour pleurer avec elle et… Médor, le chien d’Olivier qu’elle avait reçu de lui « pour gage de sa foi ». Quelle admirable explosion de cris, alors ! Le pathétique égarement d’une douleur éperdue, jetée en sanglots, sur le papier où les points suspensifs sont formés comme d’une encre que les larmes ont bue. À qui se confie Marceline ? À ses sœurs Eugénie et Cécile ; aux inconnues innombrables, qui lui ressemblent et pleurent comme elle, dans le temps et dans l’espace, d’un déchirement pareil. Ne l’a-t-elle pas dit :

Vous surtout qui souffrez, je vous prends pour mes sœurs,
Pleureuses de ce monde où je passe inconnue.

Mais c’est d’abord dans les bras qui l’ont bercée, enfant, qu’elle se jette, haletante.

Ma sœur, il est parti ! Ma sœur, il m’abandonne !
Je sais qu’il m’abandonne, et j’attends, et je meurs,
Je meurs ! Embrasse-moi, pleure pour moi… Pardonne,
Je n’ai pas une larme, et j’ai besoin de pleurs.
Tu gémis ! Que je t’aime ! Oh ! jamais le sourire
Ne te rendit plus belle aux plus beaux de nos jours.
Tourne vers moi les yeux, si tu plains mon délire ;
Si tes yeux ont des pleurs, regarde-moi toujours,
Mais retiens tes sanglots, il m’appelle, il me touche…
Son souffle en me cherchant vient d’effleurer ma bouche ;
Laisse, tandis qu’il brûle et passe autour de nous,
Laisse-moi reposer mon front sur tes genoux !