Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/120

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J’ai fui, laissez-moi fuir. Quoi ! pour cet inflexible,
C’est vous qui me priez !
Il le veut, dites-vous. Il veut ! Toujours le même :
Voilà comme il régnait sur mes esprits confus ;
J’obéissais toujours, mais je disais : « Il m’aime ! »
Ose-t-on commander à ceux qu’on n’aime plus ?
Que veut-il ? Mon bonheur. Eh bien, je suis heureuse,
Je suis calme, je suis… Voyez, je vis encor !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Non, laissez-moi m’enfuir. Que je doute moi-même

Si je l’ai vu jamais, si j’existe, si j’aime !
Ah ! je ne le hais pas, je ne sais point haïr :
Mais laissez-moi douter… mais laissez-moi m’enfuir !

Le reste va de soi. Et voici enfin le cri humain de toutes les capitulations d’amour :

Fierté, j’ai mieux aimé mon pauvre cœur que toi !

Peut-être ne se fait-elle aucune illusion sur la durée de ce « replâtrage ». Elle va ajouter des anneaux à sa chaîne. Mais on n’évite pas sa destinée. La sienne est « de n’être jamais à demi-malheureuse ». Elle retombe sous le joug et scelle sa résignation de ces trois cachets rouges :

— Mon cœur fut créé pour n’aimer qu’une fois.
— J’étais née, hélas ! pour mourir son amante !
— Tout ce qu’il m’apprend, lui seul l’ignorera !

Elle se rend compte de tout ce qui l’empêche d’être heureuse :