Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/212

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
MARCELINE DESBORDES-VALMORE

conte l’âme en peine, c’est un drame qui s’ouvre en comédie.

Lui, s’est pour un enfant pris d’une amitié tendre :
Hélas ! toute innocence il s’arrête à l’entendre.
....................
Cet arrivant du ciel, fleur à tête penchée.
Fleur sommeilleuse encor dans ses feuilles cachée,
Sous ses longs cheveux d’or lui plaît tant aujourd’hui
Que j’aide la jeune aine à causer avec, lui,
À bégayer des mots d’espérance profonde,
À préparer ses yeux au jour d’un autre monde.
Consoler c’est prier ! c’est mon droit, et mon sort
Est de l’absoudre ainsi dans ma vie et ma mort.
Mais je ne peux l’aimer qu’à beaucoup de distance
Et qu’en un grand péril lui prêter assistance :
Ainsi, le regardant, pâle à travers le soir,
Comme il était venu seul et triste s’asseoir
Dans l’enclos de l’église, où des ombres errantes
Épanchaient à la Vierge un flot d’hymnes souffrantes,
Tandis que vèpre et l’orgue où se plongeait ma voix
Lui rendaient la mémoire et nos pleurs d’autrefois :
Il était si pensif qu’il existait à peine
Et qu’il ne voyait pas… L’amour voit-il la haine ?
La haine, dont la nuit couvrait l’affreux regard
Et que je reconnus à l’éclair d’un poignard.
L’heure sonnait le meurtre et cette lame impie
L’atteignait, lui rêvant l’humble amour que j’expie :
Vierge toute pitié ! vous l’avez entendu
Mon cri qui vous nomma quand il était perdu !
Oui, car votre frayeur, plus saintement amère,
Cria dans ce méchant : « Par ta mère !… ta mère »
Oui, car à vos flambeaux je vis de l’assassin
Les deux mains sans poignard se croiser sur son sein.