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LA MÈRE

vice d’argent à je ne sais quel homme du monde :

Il n’y a rien dans ces cœurs-là pour nous : les riches de cette époque viennent vous raconter leurs misères avec une candeur si profonde et des plaintes si amères, que vous êtes forcé d’en avoir bien plus de pitié que de vous-même. Il m’a déroulé ses affreux empêchements à cause d’une maison qu’il fait bâtir. Elle devait lui coûter cent mille francs, je crois, et le devis s’élève présentement au double, ce qui, avec l’éducation de son fils, lui fait perdre la tête… Que dire à ces fortunés ? Que vous avez deux chemises et pas de draps ? Ils vous diront : « Ah ! que vous êtes heureux ! Vous ne faites pas bâtir ! » Ainsi n’y pensons pas, car c’est un accès de fièvre pour nous qu’un accès d’espérance.


« Tu dois savoir depuis longtemps, disait-elle encore à l’une de ses sœurs, qu’il n’y a guère que les malheureux qui se secourent entre eux. Sans être plus méchants que nous, les riches ne peuvent absolument pas comprendre que l’on n’ait pas toujours assez pour les besoins les plus humbles de la vie. Ne parlons donc pas des riches, sinon d’être contents de ne pas les sentir souffrir comme nous. »

Aucun arrière-goût, on le voit, des ciguës qu’on lui avait fait boire.

Je n’ai personne à envier, car je vois beaucoup souffrir et celui ou celle que nous trouvons favorisé par le sort, a été malheureux ou le deviendra.