Page:Descaves - La Vie douloureuse de Marceline Desbordes Valmore.djvu/261

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
239
LA MÈRE

acte d’héroïsme en se quittant. Loin d’elle, il la regarde sur la mer…, et elle, de son côté, quand elle est seule, regarde tous les soirs Jupiter et Saturne, qu’ils ont contemplés ensemble ! Toutes les sentimentalités de leur temps et de leur répertoire sont sur leurs lèvres et dans leur mémoire, mais leur union indissoluble est au fond de leur cœur pur et de leur caractère droit.

« C’est notre sort, disait-elle, qui habille notre caractère de toutes sortes de nuances bizarres. »


Inès mourait le 4 décembre 1846.

Pour ceux des lecteurs de Mme Valmore qui ne la connaissent que superficiellement, cette épreuve est redoutable. Ils ont beau l’aimer comme il faut l’aimer, avec ses faiblesses et ses qualités, les crues de son cœur qui, dans ce moment-là, submerge tout, ne laissent pas de causer quelque inquiétude sur les manifestations d’une douleur extraordinaire. Cette inquiétude est d’autant plus vive que, dans les lettres adressées à Ondine, malade à Londres, en 1842, la sollicitude maternelle se traduit par ces effusions qui semblent trop élevées d’un demi-ton :

Ah ! je t’aime, toi, je te presse sur mon cœur qui n’est complet qu’avec le tien… Il me semble qu’à l’exception de mon amour pour toi, rien ne nous arrive qui mérite d’être raconté… Je refuse l’âme à qui resterait froid devant ton affection. Mais tu es si jeune, si riche de cœur, si facilement heureuse, que tu ne dois, à vrai dire, demander du bonheur qu’à toi-même, car tu le possèdes