Bien longtemps après, Marceline lui écrivait :
Il y a des souvenirs qui sont toujours en fleurs et que le cœur ne secoue jamais, que les chagrins ne fanent pas. Je me souviens que j’avais vingt ans et peu de barbe, qu’une certaine Vestale, une Didon[1], une Alceste, se sont glissées dans mon âme par mes yeux et mes oreilles, et n’en sont plus ressorties.
Et, une autre fois :
Le bûcher sur lequel je t’ai vue l’étendre, qui ne s’effacera jamais de ma mémoire, à force que tu y étais triste et belle, ah ! Caroline, c’est là qu’il fallait mourir, toutes deux peut-être, pour n’emporter que la poésie des douleurs qu’il nous était imposé de subir plus tard ! Que de pressentiments dans les cris sublimes et dans mes sanglots en te regardant !
En 1808, elle retrouvait encore, à Paris, outre l’oncle Constant, deux compatriotes, Théophile Bra, de Douai[2], et Hilaire Ledru, d’Oppy-en-Artois. Celui-ci, fils d’un charpentier et berger
- ↑ Dans l’opéra de Marmontel et Piccini.
- ↑ Théophile Bra (1797-1863), sculpteur déplorable dont les plâtras encombrent le Musée de Douai.
cavalerie. Élève de Garat, elle débuta en 1801 à l’Opéra, dans
Œdipe à Colonne, de Sacchini, rôle d’Antigone. Elle épousa
en 1804 le danseur Branchu qui mourut fou. Elle resta à l’Opéra
jusqu’en 1826 « sans qu’on s’occupât de sa vie privée ».
« C’était une grande femme assez grasse, dont les traits un
peu masculins ne manquaient pourtant pas d’expression et de
noblesse. Douée d’une voix puissante et très étendue, elle pratiqua
d’abord la tragédie hurlée comme on l’entendait alors. Mais
dans la Veslale, elle modifia sa manière sur les conseils de
Spontini. » (Histoire de l’Opéra, par A. Roger, 1875.)