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LA JEUNE FILLE

Ah ! que vous me faites haïr
Cette feinte amitié qui coûte tant de larmes !
Je n’étais point jalouse de vos charmes,
Cruelle ! de quoi donc vouliez-vous me punir ?

. . . . . . . . . . . . . . .

… Ce perfide amant dont j’évitais l’empire.
Que vous aviez instruit dans l’art de me séduire,
Qui trompa ma raison par des accents si doux,
Je le hais encor plus que vous !
Par quelle cruauté me l’avoir fait connaître ?
Par quel affreux orgueil voulait-il me charmer ?
Ah ! si l’ingrat ne peut aimer.
À quoi sert l’amour qu’il fait naître ?
Je l’ai prévu, j’ai voulu fuir :
L’amour jamais n’eut de moi que des larmes :
Vous avez ri de mes alarmes,
Et vous riez encore quand je me sens mourir…
Grâce à vous, j’ai perdu le repos de ma vie :
Mon imprudence a causé mon malheur,
Et vous m’avez ravi jusques à la douceur
De pleurer avec mon amie !

Il faut dire tout de suite que le mari de Mme Valmore ne garda pas rancune à Délie du rôle équivoque joué par elle, à la ville, en cette occurrence. Lorsque Sainte-Beuve, questionneur sournois, demanda au vieil acteur veuf quelques renseignements sur l’ancienne amie de sa femme, celui-ci fit répondre par son fils : « Délie, ou plutôt Délia jouait à l’Odéon, vers 1813, les premiers rôles. Talent passable, mais de grands yeux orientaux, un grand éclat, des traits réguliers, fort séduisante. Elle ne manquait pas d’esprit,