Page:Deschamps, Émile - Œuvres complètes, t4, 1873.djvu/112

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102 OEUVRES D’EMILE DESGHAMPS. L’auteur doit, je crois, s’en prendre à un vice radical dans sa composition, qui est sage, ingénieuse même, mais qui manque de hauteur et de profondeur, et ne remplit pas les principales conditions du sujet. La scène se passe dans le vaisseau où sont pressés, comme dans la tombe, les malheureux qu’on emporte en exil. La beauté de Néali a frappé les regards de l’impétueux capitaine, qui fait parler ses droits de maître et jette de l’or à sa captive : Tes droits et tes bienfaits, lui répond l’Africaine, Où sont-ils?... et elle fait alors un long récit de son bonheur passé, _ et une affreuse peinture des horreurs de la traite. Le maître persiste dans ses infâmes projets, les nègres se révoltent, ils sont jetés à la mer et Néali meurt avec eux. — Il y avait dans cette fable la matière d’un épi- sode fort intéressant ; mais ne devient-elle pas au moins insuffisante dès que l’auteur en a fait sa composition même? F]t puis cette narration soutenue, cette élo- quence un peu riiétoricienne ne manque -t-elle pas de grâce et de vérité dans la bouche d’une jeune négresse? L’autour, dans cette circonstance, devait même se reprocher ses beaux vers; et M. Chauvet a plus d’un reproche à se faire. Je lui reprocherai aussi quelques détails qui manquent de coidenr locale. C’est un genre de fautes qui fait autant de mal à un esprit poétique qu’un barbarisme à l’oreille d’un grammairien. Je n’aime pas que Néali nous dise Épouse de Selini, près de lui, chaque jour, Souriaient à mes vœux la fortune et l’amour. Ces vers h n’ont rien de nègre. Mais j’aime beaucoup ceux qui terminent le poëme, et je me plais à les transcrire ici comme la meilleure preuve de mon estime pour le talent de M. Chauvet : Achevez vos desseins, rois, au milieu des mers. Quel que soit leur drapeau, poursuivez ces pervers.