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LA FILLE DU MARCHAND

Il remonta le quai, et Marie la Blanche l’attendait avec son beau petit enfant, et toute transportée lui souhaitait la bienvenue. Mais il ne fit pas semblant de la voir. Il rentra chez lui el s’assit sur une chaise dans sa chambre. Elle le suivit : « Regarde, capitaine », dit-elle, « ton magnifique bébé ». « Cela m’est égal », dit-il, « mais où est l’anneau qui était à ton doigt ? » « Je te donne ma parole, gentil époux », dit-elle, « que je ne sais comment je l’ai perdu ni où il s’en est allé ». « Tu le sauras bien quand tu me reverras », dit le capitaine ; il se leva de sa chaise et sortit sans lui dire adieu.

C’est alors que la pauvre fille s’affligea et que son cœur se brisa. « C’est grand pitié », dit-elle, « que je n’ai pas obéi à mon père. Il m’aurait été facile de trouver à épouser un garçon aimable ». Elle ne fut pas longue à surmonter cet excès de chagrin. Elle fit venir un garçon en qui elle avait toute confiance. « Tu ne perdras rien », dit-elle, « à la mission dont j’ai à te charger. Le capitaine a quitté la maison en colère. Va et suis-le, el qu’il ne sache pas que tu le surveilles. En quelque endroit, en quelque pays, qu’il se fixe, viens m’en informer et tu seras bien récompensé de ta peine ».

Elle donna une somme d’argent au garçon et le voilà parti. Il suivit le capitaine sans désemparer jusqu’à ce qu’il atteigne une petite ville à quelque distance de Paris en France. Il s’engagea comme employé dans une grande maison de commerce. Quand le garçon vit qu’il était installé dans son emploi, il retourna et alla chercher Marie la Blanche. Il lui raconta tous ses faits et gestes. « C’est très bien, mon garçon », dit-elle. « Reste à t’occuper de la maison et, si je suis femme à payer un service, tu ne perdras rien dans cette histoire ».

Elle appela la fille de chambre : « Je quitte cette maison et rien ne prouve que j’y revienne jamais. Si je ne reviens pas, la maison et le domaine sont à toi. Prends bien soin de mon enfant et de ma mère ».

Elle prépara tout et n’arrêta point qu’elle n’eût atteint la France. Elle avait rasé sa tête bouclée, et revêtu un habit de gentilhomme ; tu aurais cru alors qu’elle était un homme. Elle poursuivit sa route jusqu’à ce qu’elle eût atteint la mai-