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révolution, et qu’il faut suspendre la liberté de la presse pendant la révolution. Est-ce que l’Angleterre ; est-ce que toute l’Europe n’est pas aussi en état de révolution ? Les principes de la liberté de la presse sont-ils moins sacrés à Paris qu’à Londres, où Pitt doit avoir une si grande peur de la lumière ? Je l’ai dit, il y a cinq ans ; ce sont les fripons qui craignent les réverbères. Est-ce que, lorsque d’une part, la servitude et la vénalité tiendra la plume, et de l’autre la liberté et la vertu, il peut y avoir le moindre danger que le peuple, juge, dans ce combat, puisse passer du côté de l’esclavage ? Quelle injure ce seroit faire à la raison humaine, que de l’appréhender ! Est-ce que la raison peut craindre le duel de la sottise ? Je le répète, il n’y a que les contre-révolutionnaires ; il n’y a que les traîtres ; il n’y a que Pitt qui puisse avoir intérêt à défendre, en France, la liberté, même indéfinie de la presse ; et la liberté, la vérité, ne peut jamais craindre l’écritoire de la servitude et du mensonge.

Je sais que, dans le maniement des grandes affaires, il est permis de s’écarter des règles austères de la morale : cela est triste, mais inévitable. Les besoins de l’État et la perversité du cœur humain rendent une telle conduite nécessaire, et ont fait de sa nécessité la première