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moi en pure perte, et sans profit pour la République ; car les insensés ne m’auroient pas cru, et je n’aurois pas changé les traîtres ? La vérité a son point de maturité, et elle étoit encore trop verte. Cependant je suis honteux d’être si long-temps poltron. Le silence que la circonspection peut commander aux autres citoyens, ses devoirs le défendent à un représentant. Soldat rangé en bataille, avec mes collègues, autour de la tribune, pour dire, sans crainte, ce que je crois de plus utile au peuple français, me taire, seroit déserter. Aussi bien ce que j’ai fait, ce que j’ai écrit, depuis cinq ans, pour la révolution ; mon amour inné pour le gouvernement républicain, seule constitution qui convienne à quiconque n’est pas indigne du nom d’homme ; deux frères, les seuls que j’avois, tués en combattant pour la liberté, l’un au siége de Maëstricht, et l’autre dans la Vendée, et ce dernier coupé en morceaux, par la haine que les royalistes et les prêtres portent à mon nom ; tant de titres à la confiance des patriotes, écartent de moi tout soupçon ; et quand je vais visiter les plaies de l’État, je ne crains point qu’on ne confonde avec le stilet de l’assassin, la sonde du chirurgien.