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efficace de sauver la République, sans que Cicéron conclût de ce seul dissentiment que Brutus recevoit des guinées de Photin, le premier ministre de Ptolémée. Je pense donc encore, comme dans le temps où je faisois cette réponse à Marat, au mois d’avril 1791, pendant le voyage de Saint-Cloud, lorsqu’il m’envoyoit l’épreuve de son fameux numéro, Aux armes ou c’en est fait de nous, avec les apostilles et changemens de sa main, que je conserve, et qu’il me consultoit sur cette épreuve : « Imprimes toujours, mon cher Marat ; je défendrai dans ta personne le patriotisme et la liberté de la presse jusqu’à la mort ». Mais je crois que, pour établir la liberté, il suffiroit, si on vouloit, de la liberté de la presse et d’une guillotine économique, qui frappât tous les chefs et tranchât les complots, sans tomber sur les erreurs. »

Je crois qu’un représentant n’est pas plus infaillible qu’inviolable. Quand même le salut du peuple devroit, dans un moment de révolution, restraidnre aux citoyens la liberté de la presse, je crois que jamais on ne peut ôter à un député le droit de manifester son opinion : je crois qu’il doit lui être permis de se tromper ; que c’est en considération de ses erreurs, que le peuple français a un si grand nombre de représentans, afin que celles des uns puissent être redressées par les autres. Je crois que, sans cette liberté d’opinions indéfinie, il n’existe plus d’assemblées nationales : je crois que le titre de député ne seroit plus qu’un canonicat, et nos séances, des matines bien longues, si nous n’étions obligés de méditer, dans le silence du cabinet, ce qu’il y a

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