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Page:Desportes - Madame Desbordes-Valmore, 1859.pdf/3

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Le théâtre s’offrit alors comme une ressource. On apprit le chant à la jeune Marceline. Elle débuta à Feydeau dans le rôle de Lisbeth et fut reçue avec de grands applaudissements.

« À vingt ans, dit-elle, des peines profondes m’obligèrent de renoncer au chant, parce que ma voix me faisait pleurer ; mais la musique roulait dans ma tête malade, et une mesure toujours égale arrangeait mes idées, à l’insu de ma réflexion. Je fus forcée de les écrire pour me délivrer de ce frappement fiévreux, et l’on me dit que c’était une élégie (Le Pressentiment).

Le 4 septembre 1817, mademoiselle Desbordes épousait à Bruxelles M. Valmore, acteur distingué, homme d’esprit, homme excellent. Un an plus tard (1818), elle publiait son premier recueil de vers. Ce livre qui se détachait si nettement du ton général de la poésie d’alors, fut très remarqué, ainsi qu’il devait l’être, et donna dès ce moment à madame Valmore dans la littérature une place tout-à-fait à part, et fort belle, qu’elle a conservée, en la faisant toujours et plus large et plus belle. Jamais l’élégie n’avait fait entendre des accents si vrais, si profonds, si déchirants. Quand, après avoir lu madame Valmore, on lit Parny et Bertin à qui, à son début, on l’a souvent comparée, on les trouve froids et décolorés. C’est un monde de convention que le monde où ils vivent. Leur passion n’est pas vraie : le poète y tient plus de place que l’amant. Chez madame Valmore la vérité du sentiment vous saisit tout d’abord : un cœur palpite sous chaque vers, et la passion s’y fait reconnaître à son premier cri, à ses premières larmes. Le poète est effacé : il n’y a qu’une femme qui souffre, gémit et pleure ; une femme qui dans sa douleur vous ouvre toute son âme et dont la plume écrira plus tard ce vers si touchant :

J’ai dit ce que jamais femme ne dit qu’à Dieu.

Parny et Berlin sont des poètes érotiques ; madame Desbordes-Valmore est un poète élégiaque, et, pour dire toute notre pensée, le premier de tous, sans en excepter notre admirable André Chénier.

Madame Desbordes-Valmore ne procède en poésie d’aucun maître et ne se rattache à aucune école : elle est une personnalité tout-à-fait nette et distincte. Ce sera son éternel honneur. Nulle trace saisissable dans ses vers d’étude sérieuse des modèles. Si parfois on croit reconnaître en la lisant quelque lointaine ressemblance avec ce qu’on a lu ailleurs, ce n’est point, à y regarder de près, un ressouvenir, encore moins une imitation cherchée : c’est un flottant et inévitable reflet de littérature contemporaine sur son œuvre ; car il n’est pas possible de traverser une époque sans se teindre à quelque degré des couleurs qui y dominent, sans se façonner dans une certaine mesure aux habitudes les plus goûtées du moment.

Comme tous les poètes d’instinct et de premier jet, madame Des-