l’André Chénier femme. Non, c’est moins et c’est plus. Nous préférons ce qu’a dit Alexandre Dumas : « La plus femme des femmes poètes, » un mot profondément vrai. Chez madame Desbordes-Valmore, poète, femme, épouse, mère, tout se fondait dans une harmonieuse unité. Qui connaissait un des côtés de sa vie savait tous les autres. Rien qu’à la voir, on devinait sans peine que les muses avaient visité son berceau ; et sa voix, comme ses traits, la révélaient toute entière. Cette voix charmante, faite, il semblait, pour dire les choses du cœur et qui vous gagnait dès les premiers mots, avait retenu du théâtre, sans rien perdre de son naturel, les articulations nettes et franches, la diction pure et savante, et par là elle convenait mieux à l’entretien élevé, au parler continu qu’au va-et-vient brisé et sautillant de la conversation ; elle seyait surtout à merveille aux longs récits du foyer, à ces contes aux enfants dans lesquels excellait madame Valmore, mélange heureux de bon sens et d’esprit, d’éloquence et de sentiment. Nous l’avons vue quelquefois, pour donner un enseignement à sa jeune famille, trouver sur l’heure une charmante fiction qu’elle déroulait couramment comme une chose apprise de mémoire ; mais avec cet accent ému de l’improvisation qui donne tant de charme au débit. Un jour entr’autres, elle nous montrait la mère d’un petit coupable allant demander sa grâce au bon Dieu. La mère tremblante, prenant l’enfant entre ses bras et l’emportant à travers les sphères infinies, disait les merveilles de ces mondes qu’on serait si malheureux de ne pas habiter un jour et déposant l’enfant aux pieds de Dieu, lui montrait son repentir et ses larmes. La pauvre mère avait déjà pardonné, parce que les mères pardonnent toujours. Dieu, qui est bon aux petits enfants comme la plus tendre des mères, pardonnait aussi. Les cieux tressaillaient d’allégresse ; les séraphins chantaient sur les harpes d’or l’hymne de réconciliation, et la mère, consolée et triomphante, ramenait son enfant sur la terre pour y remplir les devoirs de la vie et mériter ce bonheur qu’il avait entrevu, il y avait dans cette adorable fiction des battements d’ailes d’ange à faire longtemps rêver du ciel. Elle fut racontée devant nous, à l’occasion de nous ne savons plus quelle petite faute qu’avait commise un de ses enfants, l’aîné de ces aimables enfants ; il nous semble, alors âgé de quatre ou cinq ans, M. Hippolyte Valmore qui depuis, nous en sommes sûr, n’a pas donné d’autre chagrin à sa mère, digne fils d’une telle mère, qui en était fière à bon droit.
Ainsi sont nés, du moins dans leur première forme rudimentaire, la plupart de ces charmants récits, en vers ou en prose, contes aux enfants que les mères lisent avec des larmes : le petit Rieur, l’Écolier, le petit Bossu, etc.
Bien des années après, un jour, en 1842, madame Valmore était au