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  LIVRE I. 2



IIII.


Le jour que je fu né l’impitoyable archer
Amour, à qui le Ciel rend humble obeissance,
Se trouva sur le poinct de ma triste naissance,
Tenant son arc bandé tout prest à décocher.

Aussi tost qu’il me veit, il se mist à lácher
Un trait envenimé de toute sa puissance :
Et m’attaignit au cœur de telle violance,
Qu’il eust peu de ce coup percer tout un rocher.

M’ayant ainsi blessé, tout joyeux il s’adresse
À la Crainte, aux Regrets, au Dueil, à la Tristesse,
Qui m’assisterent tous à ce malheureux poinct.

Voila (dit-il) pour vous, je vous le recommande,
Suivez-le tout par tout, ne l’abandonnez point,
Et faites que tousjours il soit de vostre bande.


V.


Voicy du gay Printemps l’heureux advenement,
Qui fait que l’Hiver morne à regret se retire :
Desja la petite herbe au gré du doux Zephyre
Navré de son amour branle tout doucement.

Les forests ont repris leur verd accoutrement,
Le Ciel rit, l’air est chaud, le vent mollet soupire,
Le Rossignol se plaint, & des accords qu’il tire,
Fait languir les esprits d’un doux ravissement.

Le Dieu Mars & l’Amour sont parmi la campagne :
L’un au sang des humains, l’autre en leurs pleurs se bagne,
L’un tient le coutelas, l’autre porte les dars.

Suive Mars qui voudra mourant entre les armes,
Je veux suivre l’Amour, & seront mes allarmes,
Les courroux, les soupirs, les pleurs & les regars.