Page:Desportes - Premières œuvres (éd. 1600) I - Diane. Premières Amours.djvu/37

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XXXIII.

Si toſt qu’au plus matin ma Diane s’éueille
(Ô Dieux iugez mon heur !) ie ſuis à ſon leuer,
Et voy tout le plus beau que ſe puiſſe trouuer
Depuis les Indiens iuſqu’où Phebus ſommeille.

Ce n’eſt rien que le teint de l’Aurore vermeille,
Ce n’eſt rien que de voir aux longues nuits d’hiuer
Parmy le firmament mille feux arriuer,
Et n’eſt vray que le Ciel cache plus de merueille.

Ie la voy quelque fois ſ'elle ſe veut mirer,
Eſperdue, eſtonnee, & long temps demeurer
Admirant ſes beautez, dont meſme elle eſt rauie :

Et ce pendant (chetif !) immobile & poureux,
Ie penſe au beau Narcis de ſoymeſme amoureux,
Craignant qu’vn ſort pareil mette fin à ſa vie.


XXXIIII.

Celuy que l’Amour range à ſon commandement,
Change de iour en iour de façon differente :
Helas i’en ay bien fait mainte preuue apparente,
Ayant eſté par luy changé diuerſement.

Ie me ſuis veu muer pour le commencement,
En Cerf, qui porte au flanc vne fleche ſanglante :
Apres ie deuins Cygne, & d’vne voix dolente
Ie preſagé ma mort me plaignant doucement.

Apres ie deuins fleur languiſſante & penchee,
Puis ie fu fait fontaine außi ſoudain ſeichee,
Eſpuiſant par mes yeux toute l’eau que i’auois :

Or ie ſuis Salemandre & vy dedans la flame,
Mais i’eſpere bien toſt me voir changer en Voix,
Pour dire inceſſamment les beautez de Madame.