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  LIVRE I. 29


Il troubla mon esprit d'une guerre immortelle,
Il esment mes pensers, HIes mit en querelle,
Et fit, pour me laisser en eternel tourment,
De mon coeur son fourneau, ses charbons de mes vaines,
Iles poulmons ses souftets, de mes yeux ses fontaines,
Qui sans jamais tarir, coulent incessamment.

Il banit mes plaisirs et leur donna la fuitle,
Dont le libre repos, que j'avois à ma soitte,
ll'abandonna soudain, de frayeur tout surpris i
Le travail print sa place, et la tristesse extrême,
Les veilles, les soucis, le mespris de soy-mesme,
Qui ne m'ont point lasché depuis que je fus pris.

Je quitay tout soudain ce qui me souloit plaire,
lIa façon se changea, je devins solitaire,
Je portay bas les yeux, le visage et le front;
J'entretins mon desir d'une esperance vaine,
Je discourus tout seul, et mOY-Mesme pris paine
De nourrir les douleurs que deux beau);: yeux me font.

Je mourus dedans moi, pensant trouver DIa vie
Au coeur de la beauté qui me l'avoit ravie;
Mais depuis je n'ay peu, dont j'ay sOuffert la mort;
Et si je semble viC, ne croy pas à ta veut! :
Par )a seule douleur ce sorcier me remuë ;
C'est de mon corps charmé l'invisible ressort.

Il me fai t voir assez de plus .grandes merveilles,
Tirant d'un froid rocher des flammes nompareilles,
Dont il brûle mon coeur sans qu'il soit. consumé,
Me donnant pour repas le venin qui me tuë
Et faisant que mon feu dedans l'eau continué,
Sans que pour tant de pleurs il soit moins allumé..