Page:Desrosiers - Âmes et paysages, 1922.djvu/118

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sion qu’elles nous communiquent. À n’importe quelle heure, à n’importe quel jour, tu peux me conduire où tu voudras, et je trouverai et je te montrerai des couleurs pour lesquelles la langue n’a point de mots et la palette pas de nuances. La nature, elle est la grande victorieuse, plus habile que les artistes, plus variée que leurs moyens, elle nous défie éternellement d’exprimer son infini. Le peu qu’on en sait dire est une parodie et nos paroles sont dérisoires lorsqu’elles tentent d’emprisonner sa grandeur. Les hommes aiment ordinairement les œuvres qui nous en donnent un portrait si peu ressemblant. Mais moi, je suis un sauvage : je n’ai pas corrompu mon goût à vos aliments artificiels et les eaux filtrées n’apaisent point mes soifs. C’est la nature que j’aime, c’est elle qui m’émeut, telle qu’elle est partout, sans altérations, sans déformations et sans voiles, toute crue pour ainsi dire et non pas assaisonnée ou cuite pour les estomacs fragiles.

Mais Jean Desbois avait d’autres raisons à son inaction de même qu’à sa contemplation aussi stérile que riche en sensations. Il m’en donnait une sans s’en apercevoir lorsqu’il continuait ainsi :

— Notre nature est trop forte. Elle nous