Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/113

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plus de manœuvres compliquées pour imposer ses desseins ; enfin, aucun besoin de soumettre ses décisions à un autre pour qu’elles soient émasculées ou ajournées ; plus de plaidoyers et plus d’intrigues. Il est là, lui, à la tête de l’expédition, avec la précision de son jugement, sa rapidité d’exécution, son esprit d’organisation.

Sans hésitation, il lance les attelages sur la glace de la baie du Nord ; il les oriente droit sur l’embouchure de la rivière des Couteaux-Jaunes.

Pour les engagés, le voyage n’est pas une partie de plaisir. Montour les mène. Il leur demande un maximum d’efforts. Quelques heures de sommeil, la nuit ; quelques haltes, le jour ; du thé, du rhum en abondance pour stimuler les forces. Mais, en même temps, pas de surmenage.

Montour reste muet à mesure que les heures passent. Partout, sans le dire à personne, il cherche des traces, des pistes qui confirmeraient ses suppositions. Rien. Mais la course ne ralentit pas un instant.

Après la baie du Nord, les attelages s’engouffrent dans la rivière des Couteaux-Jaunes, coupée de lacs : lac Prosper, lac aux Perches, lac de la Mine, lac de la Carpe. L’expédition marche au fond du couloir que forment les rives avec leurs forêts de conifères.

Enfin, Montour exulte. Il a dépisté son rival. Louis Cayen a passé là après la fin de la tempête. Ses traces sont de plus en plus visibles. Il n’y a plus qu’à suivre.

Ils laissent la rivière, obliquent directement vers l’Est. Couvertes de bruyères et d’îlettes de bois, les steppes du nord du grand lac des Esclaves se déroulent maintenant devant eux. Ils s’y enfoncent.

Montour a calculé juste. Un soir, vers six heures, il trouve un grand camp de Couteaux-Jaunes avancés dans la plaine pour la chasse aux cariboux. Louis Cayen est là avec ses hommes. Il a cherché refuge auprès de la Tête Hérissée, son ami fidèle. Et son plan est sans doute de passer une partie

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