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de l’hiver avec lui, à l’abri de la famine, et d’y recueillir en paix des fourrures.

Les Couteaux-Jaunes reçoivent avec un peu d’hostilité les voyageurs de la Compagnie du Nord-Ouest. Cette froide réception n’affecte pas Montour. Il établit son camp à l’écart pour être plus libre de ses mouvements ; et, par l’intermédiaire de son interprète, il noue tout de suite des relations avec plusieurs familles d’indiens. Les questions se pressent dans sa bouche : cette avance dans la steppe est-elle dangereuse ? Quelles sont les habitudes des troupeaux de cariboux ? Quelle est la durée de ces chasses ? Il s’informe soigneusement des distances, de la topographie du pays, des possibilités de ravitaillement et de subsistance.

Le lendemain, après avoir tenté de gagner à ses plans une partie infime de la tribu, Montour, pour supplanter la Tête Hérissée, tente d’élever un nouveau chef à sa dévotion : le Grand Saulteur. Il l’habille d’une chemise, de plumets, d’un chapeau, d’un capot galonné ; il l’orne de médailles et lui confie un drapeau. Mais lorsqu’il veut l’investir d’un peu d’autorité, sa créature s’affaisse dans le ridicule. Échec, mais partiel seulement, car Montour s’est créé un parti restreint mais fort dévoué.

D’un second mouvement, Montour s’efforce de gagner la Tête Hérissée. Les présents s’accumulent devant le chef : uniformes d’officiers richement passementés, larges chapeaux de feutre, brasses de tabac, cornes à poudre. Mais les négociations n’aboutissent pas ; Montour ne peut chasser son rival du camp.

Alors, Montour se rejette sur son plan définitif, plus compliqué, plus dangereux…

Quelques-uns de ses engagés se mêlent aux Couteaux-Jaunes et vont chasser le caribou ; d’autres se rendent au camp des sauvages et achètent en abondance la venaison, dont les loges regorgent. Et José Paul prend le chemin du retour avec des traînes chargées de viande gelée. Le lendemain, il revient ; puis il repart, pour une couple de jours cette fois ; puis il

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