Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

les taillis, se montrent des orignaux, des wapitis, des chevreuils, des ours, des renards, des ratons.

À Pimbina, William Henry entre dans son fort.

L’étrange expédition atteint les plaines. En montant à la cime des arbres, les hommes voient se dérouler à l’Ouest et au Sud, jusqu’à perte de vue, les steppes plates et nues ; une rivière serpente parfois avec l’éclat du verre et quelques îlots de bois en indiquent le cours.

Au matin, ils retrouvent les bisons. Au fort Vermillon, Montour avait vu des troupeaux de deux à trois mille têtes. Mais ici personne ne peut les compter : une masse brune, grouillante, toujours en mouvement couvre la terre dans toutes les directions. À ses trousses, les loups affamés hurlent de faim et de colère, le museau au ciel.

Mais chaque pas en avant entraîne les Saulteurs plus près de leurs ennemis. Et ils vivent dans une continuelle panique. Des oiseaux qui s’élèvent là-bas, soudain ; des orignaux en course dans la plaine et dont les bois donnent l’illusion, à cette distance, de guerriers à cheval ; la fuite inexplicable d’un troupeau de bisons ; la rencontre d’un ours qui traîne une patte brisée d’une balle ; le cheval de l’interprète que personne ne reconnaît dans la lumière du soir ; tout enfin, une ombre, un fantôme, un cri la nuit, les envoient, courant et gesticulant, autour du camp des Blancs ; et ils commencent de creuser des tranchées, et ils entonnent leurs chants de guerre contre les grands guerriers assis sur des chevaux qui gardent les prairies, fendent les crânes et arrachent des scalps.

Et leur énervement se communique aux voyageurs. Ceux-ci, troublés à leur tour, s’écrient à tout moment : « Sacré pays maudit ! », car ils devinent, eux aussi, la gravité du danger qu’ils courent.

Mais rien ne détourne Montour. Sa brigade est organisée sur le pied d’une expédition de guerre. Des éclaireurs la précèdent, les hommes sont armés et une sévère discipline règne. La nuit, des sentinelles veillent.

Parfois, Montour a besoin de toute son habileté pour empê-

[ 170 ]