Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/197

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de ces ennemis. Chaque jour apporterait un nouveau péril.

Montour écoute et songe. Comment parvenir à ses fins ?

Quatre jours plus tard, les Saulteurs arrivent au fort ; Montour livre aussitôt les trois barils de neuf gallons qu’il avait promis. Et la boisson commence.

Du fort, les engagés sont témoins des scènes ordinaires : rixes, cris, plaintes, courses folles, roulements de tambour. Puis l’ivresse devenant plus complète, le camp s’endort dans la neige.

Soudain, au cours de la nuit, des Saulteurs se présentent au fort en hurlant : un malheur est arrivé. La Barbiche Blanche s’était rendu dans les tentes pour boire avec ses compatriotes ; il s’est pris de querelle avec le Cerf qui a sauté sur son gourdin et l’a assommé d’un seul coup.

Montour ordonne l’arrestation du Cerf. Au matin, Indiens et engagés s’attendent à l’exécution sommaire du coupable : n’a-t-il pas tué le beau-père du facteur ? Et dans les occasions semblables les associés ne font-ils pas prompte justice des indigènes ? Mais les heures passent, les groupes se dispersent, rien ne se produit.

Nicolas Montour ne dit rien. D’heure en heure, il prend une lourde clef qui pend à un clou, et il visite son prisonnier. Du dehors, on entend le chuchotement des paroles. Que se passe-t-il ?

Puis le facteur se rend dans les entrepôts ; il compte les ballots déjà accumulés, il caresse les fines pelleteries. Jamais, depuis un grand nombre d’années, un seul poste n’a recueilli une récolte aussi abondante ; et l’hiver n’est pas terminé.

Repris de sa fièvre d’activité, Montour retourne auprès de sa femme : il la console, il ordonne de magnifiques funérailles pour son beau-père. Des funérailles décentes peuvent-elles avoir lieu sans eau-de-vie à profusion ? Nicolas Montour en fournit quelques mesures. Puis il entre au comptoir. Toute sa retenue ne peut voiler la satisfaction qui se lit dans ses traits. Que se passe-t-il ?

À l’aube, le lendemain, le Cerf, à la surprise de tous, reçoit

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