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Cris et clameurs ramènent Louison Turenne. Philippe Lelâcheur lui aurait affirmé, de la part du guide, que la brigade ne repartirait que le lendemain. Philippe Lelâcheur proteste maintenant et nie : il n’a jamais rien dit de semblable ; on l’aura mal compris.

Puis le canot dont Montour est le brigadier subit une avarie. Celui-ci affirme qu’il a donné un certain signal ; Turenne soutient le contraire. Un signal : chose essentiellement fugace que rien n’enregistre. Qui départagera les deux hommes ? Facteau le simple s’offre à jurer que le gouvernail s’est trompé. La discussion dure longtemps car deux voyageurs ont failli périr, trois ou quatre sacs de plombs ont coulé à pic.

Le soir, Turenne, comme d’ordinaire, répare le canot avec soin. Pourtant, au matin, lorsqu’on met l’embarcation à l’eau, des fuites se révèlent partout. Il faut retarder le départ pour gommer.

— Qu’est-ce que cela signifie ? se demande Louison Turenne. Depuis trois mois je les répare, ces canots ; et, toujours, le matin, ils étaient en bon ordre.

Ou bien, après une dure journée de travail, Philippe Lelâcheur arrive soudain à la course auprès de Turenne.

— Allons à la pêche ; on me dit qu’il y a de belles truites dans cette rivière.

Il presse son compagnon. Mais deux minutes après leur départ, Nicolas Montour surgit à son tour :

— Où est Turenne ? Où est Turenne ? le bourgeoys a besoin de lui. Il n’est pas là ? Non ? Où est-il encore ?

Une pagaie se brise. Alors Nicolas Montour ne confie pas immédiatement la tâche d’en fabriquer une nouvelle. Il attend, il ne perd pas le gouvernail de vue. Pendant trois jours, celui-ci ne quitte ni le bivouac, ni la brigade ; au soir du quatrième jour, il s’éloigne pour la pêche. Et quand la nuit approche, le brigadier l’envoie chercher.

— Où vous teniez-vous, Turenne ? J’ai besoin d’une nouvelle pagaie et il y a deux heures que je cours après.

Dans les ténèbres, près des feux, le gouvernail ne peut

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