Page:Desrosiers - Les Engagés du Grand Portage, 1946.djvu/78

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et ils lui confient leurs ennuis. Montour les entend avec patience ; il tâche de leur accorder ce qu’ils désirent. Car, chaque fois, il s’attache des hommes, les attelle à sa fortune et augmente sa clientèle.

Mais il s’agit maintenant de récolter et la situation n’est pas bonne.

— Franchement, lui a dit le Bancroche, je ne sais où vous envoyer cet hiver. Commis ? Chef de poste ? Vous n’avez aucune expérience. Vous ne connaissez pas les langues indiennes. Enfin, je réfléchirai… Je trouverai bien à vous employer…

Et Montour ne sait quoi demander. Avoir un but, intriguer pour obtenir un emploi, voilà ce qu’il connaît. Perdra-t-il des années à un apprentissage obscur, peu glorieux, peu rémunérateur, dans un chantier perdu, à la lisière d’une forêt de conifères, au bord d’un lac ou d’une rivière ? Vivra-t-il longtemps l’existence monotone du commis échangeant à intervalles éloignés quelques ballots de fourrures pour un peu de tabac avarié, pour de l’eau-de-vie largement coupée d’eau ? Chaque année, pendant une décade et plus, recommencera-t-il les voyages pénibles au fort du lac à la Pluie ?

Non, cette hypothèse ne se peut concevoir. Il ne voit pas sous quelle forme précise ses espérances se réaliseront, mais il a confiance. Dans la lutte déjà en cours, on fera certainement appel à lui… Il bout d’impatience. Avoir entre les mains de la pâte à pétrir… Il est prêt pour toutes les besognes.