Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
164
les opiniâtres

détails de l’humiliation ? Échappés à une série de malheurs, quelques groupes de la nation anéantie s’étaient réfugiés dans l’île d’Orléans, sous la protection même de Québec. Ils y ensemençaient quelques pièces de terre. La paix conclue, les Iroquois avaient formé le projet de les retirer sur leurs territoires. Tractations secrètes et publiques s’étaient amorcées ; les ambassades s’étaient succédées. Se méfiant de la rancune de ces ennemis, les Hurons avaient refusé de partir pour l’esclavage ou les supplices.

Brusquant cette affaire, les Iroquois avaient usé de violence. Au cours d’une attaque matinale, ils avaient assommé plusieurs victimes. Remplis d’une soixantaine de prisonniers, des canots grisâtres avaient remonté le fleuve ; insolents, ils avaient défilé en plein jour sous la gueule des canons de la citadelle. Le Gouverneur n’avait pas commandé le feu. De nouveau, la colonie s’était cramponnée à la paix. Ployant le dos sous cette défection, les Hurons s’étaient résignés ; presque tous avaient accompagné leurs ennemis.

Les colons suivaient du regard les embarcations qui obliquèrent vers le port des Trois-Rivières pour y relâcher.

— Toujours la même conduite, affirma François : nous priver de nos alliés sauvages ; nous affaiblir. Quand la guerre recommencera, nous saurons jusqu’à quel point nous avons été dupes.

Nul n’osait poursuivre. L’assemblée hochait la tête. Chacun connaissait les idées de François. Mais comment agir différemment ? Recommencer la guerre ? Cette pensée répandait l’épouvante. Ces années écoulées, la Nouvelle-France se retrouvait dans le même état qu’au moment de la conclusion de la paix. À plusieurs même, elle paraissait plus faible ; une agonisante à qui les armes échappent parce qu’elle protégeait peu ses alliés. Par impuissance, tous se lavaient les mains de ce crime.