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les opiniâtres

nation agricole, sédentaire ; le peuple de la Maison Longue, les Iroquois. Sous l’effet de l’attraction, il approche et soudain trébuche sur les Grands Lacs : alors, il est charrié par le courant. Échelonnant ses tribus sur les rives, il pénètre en fer de lance dans le pays où nous sommes ; il plante ses palissades de rondins, édifie ses loges allongées, sans fenêtre, sème son maïs. L’avance refoule certaines peuplades vers le nord-est ; les autres versent un tribut. Mais sur des centaines de milles, les Iroquois n’occupent que les berges ; le fleuve remonte vers le nord et les mène en dehors des régions du maïs, les contraignant en partie au nomadisme. La race est dominatrice, cruelle ; ses bourgades tiennent le pays, ses pirogues d’écorce d’orme portent les massacres jusqu’à la mer. Elle subjugue ou elle tue. Mais les rancunes croissent. Il y a soixante-quinze ans, elle subit l’attaque de la coalition des dépossédés. Battue de flanc, son avant-garde est culbutée, décimée, chassée. Menacée dans son existence même, elle se terre loin au sud dans la forêt qui lui sert de protection. Là, elle se ressaisit, se discipline, s’agglutine dans une imbrisable unité. Mais la mémoire du fleuve la hante.

Par convoitise, désir de revanche, elle revient, tenace, surveiller ses anciens domaines. Incapable de les reconquérir, elle les interdit à tous autres par des incursions continuelles. Et le fleuve devient zone neutre, tout à fait dépeuplée. Alors, nous survenons, nous ; nous érigeons deux postes dans ce territoire prohibé ; nous avons besoin de paix pour nous établir, nous avons besoin de fourrures pour solder les frais d’occupation et de colonisation ; nous nous allions donc aux Algonquins, aux Hurons, les grands pourvoyeurs de fourrures. Pour ces deux raisons nous devenons les ennemis du peuple de la Maison Longue, ces écumeurs du fleuve, des anciens occupants qui refusent de résilier leurs droits.