Page:Desrosiers - Les Opiniâtres, 1941.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
36
les opiniâtres

s’essaie de couler, déplace des grains de sable, exsude au travers de la terre, naissait une espèce de sentiment paternel. Mais l’instant d’après, David Hache se hérissait de nouveau ; Pierre lui avait soumis un projet.

— Avez-vous examiné les haches de pierre des Indiens ? Imaginez-vous une hache de fer fondue d’après ce modèle ? Plus régulière, certes, avec un taillant large, un mail lourd et plat, le manche courbé en dedans et mince ?

La première impatience passée, Le Fûté taillait une maquette dans un bloc de cèdre blanc, la soumettait au taillandier après plusieurs corrections, rapportait une cognée pesante, bien balancée.

— Jérémie ! Jérémie ! s’exclamait-il après l’avoir essayée.

Mais le dimanche, il se renfrognait de nouveau. Jacques Hertel arrivait en effet en canot. Il apportait un assortiment d’arcs indiens, de flèches empennées, de courroies de peau crue, de tendons d’orignal, de souliers, de raquettes. Presque tous ces objets révélaient beaucoup d’ingéniosité et d’habileté d’exécution. Pierre admirait surtout une ga-je-wa iroquoise taillée dans une branche de sideroxylon qui mesurait deux pieds de long et tenait en des griffes un nœud taillé en boule et poli comme miroir.

Les deux jeunes gens allaient à la chasse, à la pêche ; ou bien, ils s’amusaient à tirer de l’arc, à manier les casse-tête, à étudier la fabrication des raquettes ou des canots.

Le Fûté s’impatientait. Pierre lui demanderait le lendemain : « Je voudrais bien trouver un beau morceau de noyer pour me fabriquer un arc ». Et qui le polirait ? Et qui répondrait aux nombreuses questions sur la peau crue, sur l’écorce de bouleau ? Austère, le menuisier refusait d’admettre ces dissipations lorsqu’on poursuit un grand dessein. Quand toute une forêt attend, faut-il dépenser ses forces à construire un canot ?