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les opiniâtres

précède. Le bac qui fait la navette entre Québec et les Trois-Rivières, nous suit de près.

Ils avaient monté leur wigwam sur un promontoire presque nu ; de là-haut, ils découvraient l’amont et l’aval. Quelques arbustes balayaient le sol de leurs ombres mouvantes ; la brise chaude soufflait du sud ; une épaisse vapeur bleuâtre remplissait la grande avenue royale et flottait sur la forêt tourmentée.

Elle se souvint toujours ensuite de ce sommeil en plein air, en plein vent, comme d’un événement extraordinaire. Mais quel bruit l’éveilla ? Toujours couchée, elle se retourna, chercha Pierre des yeux. Elle l’aperçut à plat ventre sur le rebord de la falaise, figé dans une pose de guet. D’un geste, il lui enjoignit le silence. Elle rampa jusqu’à lui. Sans dire mot, il allongea le bras autour de sa taille et attira son corps tout près du sien. Une pirogue grisâtre remontait le courant, le long de l’autre rive. En regardant bien, elle distingua la douzaine de guerriers qui la montaient.

— Des Iroquois ? demanda-t-elle.

— Des Iroquois. Ils ont tourné vis-à-vis d’ici… Je ne sais ce qu’ils cherchent ; peut-être attendent-ils des compagnons.

À peine visible dans la brume et dans l’éloignement, l’embarcation revenait en arrière, décrivait des circuits au large, retournait à la rive. Ysabau ne comprenait rien à ces évolutions ; mais elle percevait le danger parce que, parfois, le bras de Pierre resserrait son étreinte.

— Ils cherchaient un bivouac pour la nuit… Vois-tu ? ils débarquent maintenant. Ordinairement, ils atterrissent sur la rive nord. Je craignais qu’ils ne traversent. Autrefois, l’un de leurs villages occupait le site où nous sommes.

— Tout danger est-il passé, Pierre ?

— Pour la nuit seulement ; demain, nous verrons.