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la Propagande à essayer de mettre le corps en cause au lieu et place des appelants en leur capacité privée, car il était aussi explicitement expliqué que possible, dans mon mémoire, que c’étaient les catholiques de l’Institut qui agissaient et nullement le corps, qui était resté complètement étranger à leur acte.

Et remarquez que cela était admis à Rome même, comme le prouve la lettre du Cardinal Barnabo que je viens de vous lire. L’accusé réception de la pétition envoyée en mon nom et au nom des paroissiens catholiques membres de l’Institut-Canadien ! Voilà donc l’admission formelle que ce n’était pas le corps auquel on avait affaire, mais seulement ses membres catholiques.

Et malgré nos explications, malgré cette admission du Cardinal, on ose affirmer à Mgr. d’Anthédon que la plainte avait été portée au nom de tout l’Institut et qu’il aurait à régler une affaire relative à l’Institut comme corps et non point à quelques uns de ses membres individuellement !

Voyons ! Était-il possible de représenter faussement les faits avec plus de préméditation ? Et l’on ne trompait pas que nous ! On trompait aussi le commissaire même que l’on choisissait ! On défigurait l’affaire qu’on lui donnait mission d’arranger ! Comment s’étonner que l’on ait fait de la diplomatie à notre égard au lieu de rendre justice, quand on manquait si clairement à la véracité vis-à-vis même de l’Évêque auquel on envoyait une délégation de pouvoir ?

Ce fait seul donne la clé de tout ce qui a suivi ! Ce fait seul montre à quelles déloyales manœuvres on est descendu pour éviter de rendre justice. Qu’il s’agisse tant qu’on voudra de Cardinaux et d’Évêques, ils devaient au moins dire la vérité ; et la lettre que Mgr. d’Anthédon m’a écrite prouve qu’on le trompait lui-même ! On lui ordonnait d’agir sur une base que l’on savait être fausse ; la prétendue plainte de l’Institut et non de ses membres catholiques ! Est-ce ainsi que l’on prouve son désir de rendre honnêtement justice ?

J’écrivis donc de suite au Cardinal Barnabo pour lui expliquer l’étrange procédé qui avait eu lieu à notre égard, et je lui rappelai qu’il avait lui-même admis avoir reçu la requête des paroissiens catholiques membres de l’Institut, et non pas celle de l’Institut ; et qu’il avait donc constaté lui-même la nature purement individuelle de la plainte. Ma lettre était datée du 27 Mai 1868.

On ne me fit naturellement pas de réponse. Qu’aurait pu dire son Éminence ! Les faits étaient là ; nos explications aussi ; sa propre admission aussi ! On avait essayé de nous surprendre et l’on n’avait pas réussi ! Il y avait pourtant deux ans déjà que son Éminence m’avait promis une réponse directe dès qu’elle aurait reçu les explications de Mgr. de Montréal !

Ces explications auraient-elles été insuffisantes pour nous faire condamner ? Il est permis de le croire vu l’absence complète de décision, dans le décret de l’inquisition, sur la question soumise à Rome. Comment donner raison à l’Évêque de Montréal sur cette question quand nulle part on n’inquiète les membres catholiques d’un corps public qui possède des livres à l’index ?

Mais on ne voulait pas non plus nous donner raison, quels que pussent être les torts ou l’erreur de l’Évêque. Même s’il avait tort, il fallait le sauver devant l’opinion. On a donc adopté la prévoyante tactique développée dans une fable bien connue du bon Lafontaine : « Avant un an, le Roi, l’âne ou moi nous mourrons ; » c’est-à-dire : « Laissons faire, et il surgira peut-être quelque chose qui nous tirera d’embarras. »

Nous avions porté notre appel en 1865. Trois ans après on n’avait encore rien fait, à part cette tentative, qui n’avait chance de réussir qu’avec des enfants, de compromettre le corps en faisant agir les appelants au nom du corps. N’ayant pas réussi, on décida