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Voici maintenant ma réponse :

À Son Éminence l’Illustrissime et Révérendissime Cardinal Barnabo, Préfet de la sacrée congrégation de la Propagande à Rome.

Montréal, 10 mars 1871.

Éminence,

Diverses circonstances, ainsi que des occupations pressantes et multipliées, m’ont empêché d’adresser plutôt à V. Ém. les observations que paraissaient nécessiter la lettre à mon sujet, en date du 22 septembre de l’année dernière, qu’elle a écrite à feu Mgr . l’Archevêque de Québec, et dont copie m’a été transmise le 24 Oct. suivant par Mess. les Administrateurs du Diocèse, après la mort de l’Archevêque.

Comme le sens exact de la lettre de Votre Éminence était parfois un peu difficile à saisir, vu le manque à peu près complet de ponctuation, j’avais cru pouvoir prier Mess. les Administrateurs de vouloir bien m’en faire tenir une traduction française afin de ne pas être exposé à me méprendre sur ce que V. Ém. me faisait l’honneur de me dire. Mais, à ma grande, surprise, on me répondit sèchement que la mission de l’Archevêché se trouvait accomplie par la transmission du document, et que l’on ne jugeait pas à propos de m’en faire tenir la traduction demandée, qui n’aurait pas, disait on, un caractère authentique.

J’avoue que ce singulier accueil fait à une aussi légitime demande me parut être un très singulier mode d’exercer cette charité pastorale dont nous entendons si souvent parler. Mais je vis qu’après tout ce n’était que la continuation de la tactique que l’on a réussi, au moyen de représentations que je ne veux pas qualifier ici, à faire adopter à Rome aussi. Il me fallut donc me passer de la traduction demandée.

Je vois bien, par la lettre de V. Ém., qu’elle me fait prévenir que si j’écris de nouveau, l’on ne me répondra plus. Je puis sans doute être importun, d’autant plus que la plus grande de toutes les importunités est de réclamer énergiquement justice de celui qui la refuse ; mais je n’en suis pas moins obligé de remarquer à V. Ém. que cette abrupte manière de terminer un débat que l’on n’a pas voulu juger dans les formes ordinaire de la justice, refusant de confronter les parties, ce qui nous eût au moins fourni l’occasion de démontrer la fausseté des accusations que Mgr . de Montréal a portées contre nous ; que cette abrupte manière, dis-je, de terminer un débat de cette importance, est une trop évidente violation de toutes les règles de la justice et des prescriptions canoniques pour qu’un homme un peu rompu aux affaires et qui connaît ses droits comme les devoirs des supérieurs ecclésiastiques, se croie le moins du monde lié en équité ou en convenances sociales par une pareille fin de non-recevoir. Je ne puis sans doute pas plus forcer V. Ém. à me répondre qu’à nous rendre justice, ou à nous entendre avant de nous condamner, ou à se mettre bien au fait des questions avant d’en parler ; mais je n’en ai que davantage le droit de protester contre l’injustice dont ce refus même de répondre semble établir si fortement la présomption. Et quand un juge ecclésiastique se débarrasse aussi lestement de ce que nous avions la bonhomie de regarder comme un devoir, il n’en devient que plus nécessaire de constater le fait aux yeux du monde entier s’il le faut. Et j’oserai me permettre d’ajouter que je ne suis pas de ceux qui croient devoir se soumettre en silence parceque l’injustice vient de haut ; car je pense au contraire que plus celui qui tombe dans l’arbitraire est élevé en dignité, plus le devoir devient impérieux de protester contre ses actes.

La lettre de V. Ém. à l’Archevêque de Québec à mon sujet n’est que la continuation de ce regrettable système de confusion calculée des personnes qui a fait le fond et la forme de la tactique adoptée à Rome sur la question de l’Institut.

Dans le décret de l’Inquisition en date du 7 Juillet 1869, et communiqué à Mgr . de Montréal le 14 du même mois par Mgr . Simeoni, on mêle de la plus singulière manière pour ceux qui savent ce