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un homme de la position et du caractère de V. Ém. a pu signer une pareille lettre ! Si elle connaissait les faits, ce serait odieux ! Et si elle ne les connaissait, comment a-t-elle pu se résoudre à en parler sur ce ton ?

Comment puis-je maintenant éviter de demander à V. Ém. si le fait qu’un homme de sa portée d’esprit me fait adresser une véritable semonce, couchée en termes si énergiques, parceque je ne me soumets pas à une décision qui n’existe pas ; si ce fait prodigieux, dis je, est bien de nature à nous inspirer une très grande confiance dans le soin que les membres de la curie romaine apportent à l’examen des questions qui leur sont soumises ?

Voilà d’abord une congrégation romaine, la plus élevée en hiérarchie, l’Inquisition, qui affirme, dans un décret solemnel, que l’on a soumis une question à l’examen et que l’on a mûrement et soigneusement examiné toutes choses ; et, en fait, on y a mis un si grand soin que l’on substitue une question à une autre, un corps public à des individus, que l’on ne décide pas la question que l’on affirme avoir examinée, le tout pour condamner un absent non informé qu’on va le juger !

Et d’un autre côté je vois un Cardinal de réputation européenne, surveillant immédiat de tous les Évêchés du monde catholique, se mettre si bien au fait d’une question avant d’en parler officiellement, qu’il fait signifier en termes sévères à un appelant en Cour de Rome que « sa conduite est tout à fait répréhensible, » parcequ’il ne s’est pas soumis à un jugement qu’il attend encore !  !

Ah ! si dans ce pays, l’un des nos juges, fût-il le plus élevé de tous, pouvait jamais s’empêtrer dans un imbroglio comme celui que je viens de décrire ; confondre les questions et les personnes, déplacer les responsabilités, violer les droits des tiers et condamner les absents sans les sommer de comparaître, le tout pour couvrir devant l’opinion un collègue qui se serait trompé ; je l’affirme en toute certitude à V. Ém., ce juge serait de suite traîné devant le Parlement du pays, mis en accusation, et bien probablement dégradé et déclaré indigne de jamais administrer cette chose sacrée, la justice, dont tous les juges ecclésiastiques auxquels nous avons eu affaire ont fait si bon marché vis-à-vis de nous.

Et il doit m’être permis de dire que ce qui serait un déshonneur pour nos juges laïcs ne saurait guère être une gloire et une vertu pour des fonctionnaires ecclésiastiques.

Il reste donc acquis pour celui qui comprend la question et en connaît tous les faits, que l’on a commis à notre égard les injustices que voici :

1° Injustice de la part de l’Ordinaire en infligeant les censures ecclésiastiques à des catholiques sans suivre aucune des formes voulues par le droit canon :

2° Injustice en maintenant inflexiblement ces censures malgré un appel régulier à Rome :

3° Injustice vis-à-vis des catholiques de l’Institut en leur refusant d’indiquer, sur leur demande régulière, les livres à l’index de la bibliothèque :

4° Injustice en publiant ici que les appelants étaient condamnés sur leur appel, ce que le décret lui-même démontre être faux puisque cet appel n’est pas le moins du monde réglé par ce décret :

5° Injustice de la part du tribunal romain en refusant de décider la question du droit d’un catholique d’être membre d’une association publique régulièrement incorporée qui possède des livres à l’index :

6° Injustice envers les appelants en ne leur permettant pas de soumettre leurs preuves sur la manière dont l’Évêque les a traités et sur la nullité radicale des censures qui ont été portées contre les membres catholiques de l’Institut :

Injustice vis-à-vis de l’Institut comme corps en affirmant sur fausse information de l’Ordinaire qu’il enseigne des doctrines pernicieuses :

8° Injustice vis à-vis de l’Institut en le condamnant comme coupable d’un enseignement pernicieux sans l’avoir