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sonnelle étaient si évidente que l’on était forcé de l’admettre dans l’intimité, les membres de la curie romaine ont cru favoriser les intérêts, ou plutôt grandir le prestige de la hiérarchie ecclésiastique en coordonnant adroitement leur action de manière à étouffer sans bruit la vraie question portée en appel pour en créer une nouvelle qui permit de donner ostensiblement raison à l’Évèque.

Il peut y avoir eu là, sans doute, un très habile fait de diplomatie, tactique dont l’usage est immémorial à la cour de Rome, mais j’ai le droit de dire à V. Ém. que des hommes habitués aux affaires et à la procédure impartiale de nos tribunaux laïcs espéraient voir des juges ecclésiastiques préférer la voix sûre de la conscience à la voix rusée de la diplomatie. Ici nous avons été trompés ; et là où nous pensions trouver des juges, nous n’avons trouvé que des partisans qui ont accueilli avec faveur, et sans nous le communiquer, tout ce que notre partie adverse leur a glissé en confidence dans l’oreille.

Je le répété donc pour la dernière fois. La question réelle entre nous et Mgr. de Montréal ne porte pas sur les livres obscènes ou immoraux puisque nous n’en voulons pas, et nous le lui avons dit assez souvent. Pour Sa Grandeur, elle porte sur d’autres livres auxquels nous ne pouvons ni ne voulons renoncer. À quel Évêque est-il jamais venu à l’esprit d’exiger qu’une bibliothèque soit purgée de légistes

    leusement de leurs sentiments de soumission, et c’est ici que la chose prend une gravité toute spéciale. Que nous disent les saintes feuilles ?

    « Nous croyons qu’il vaut mieux obéir à notre évêque qu’à l’évêque du diocèse voisin ! » (Union des Cantons de l’Est, reproduite par les autres avec approbation).

    Ah ! mais il y aurait donc antagonisme entre les évêques ! Eh ! bien, tout semble, en effet le faire croire.

    L’archevêque et deux de ses suffragants désavouent un programme politique que l’on qualifie follement de catholique. Ils croient voir un danger dans ce mélange non autorisé des choses saintes et profanes. De suite la folle presse ultramontaine insulte ces évêques, leur signifie vertement qu’en politique elle est indépendante d’eux et qu’elle ne tiendra pas le moindre compte de l’opinion d’évêques étrangers !  ! Elle appelle son programme catholique, et elle dit aux évêques ; « Vous n’avez rien à voir là, vous autres. »

    Quand avons-nous fait cela, nous ? Nous avons défendu le domaine temporel contre l’intervention indue un prêtre : nous avons protesté contre le prêtre imposant en chaire ou au confessionnal ses opinions politiques au citoyen ; mais quand avons-nous proposé des programmes catholiques en disant aux évêques que cela ne les regardait pas ? Or voilà précisément ce que vient de faire la presse folle !

    Mais ce n’est pas tout. Deux de nos évêques, ceux de Montréal et de Trois-Rivières, qui voient les journaux qu’ils contrôlent insulter leurs collègues dans l’épiscopat, ferment les yeux sur ces insultes, et ne les font pas cesser quand ils le pourraient d’un mot ! Approuvent-ils donc la presse folle ? Comment croire qu’ils la désapprouvent quand leurs circulaires à ces clergés respectifs louent outre mesure « ces jeunes hommes qui mettent leurs connaissances au service de l’Église et s’exposent dans ce but à des luttes souverainement pénibles ! » Quelles luttes pénibles ? Évidemment leur lutte contre les autres évêques ! Que peut-il y avoir de plus souverainement pénible à ces jeunes champions de l’Église qu’une lutte contre des Évêques ?

    Que l’on veuille bien relire la lettre circulaire de l’Évêque de Trois-Rivières, et l’on y trouvera clairement l’indication et l’inspiration du programme catholique auquel cette lettre seule a fait songer. De ce que l’intention a été habilement déguisé sous les généralités ordinaires, pense-t-on qu’il n’existe personne en Canada qui puisse découvrir la vraie signification d’un document parcequ’il n’exprime pas explicitement tout ce que l’on a entendu y mettre ? Mais tout le monde a compris Mgr. de Trois-Rivières, et quand le fameux programme est sorti, il n’y a eu qu’une voix pour dire : « Ah ! voilà enfin le chat qui sort de la poche. Il nous vient tout droit de Trois-Rivières. »

    Que l’on relise ensuite la circulaire de Mgr de Montréal, sortie ces jours derniers, (Minerve du 20 mai) et comment n’y pas voir toute la presse folle énergiquement encouragée à ne pas tenir compte des lettres des trois autres Évêques ?

    Quoi ! c’est immédiatement après que ceux-ci ont désavoué la presse folle que Mgr. de Montréal vient porter aux nues les journalistes à bons principes qui la rédigent ! C’est immédiatement à la suite du désaveu du programme que Sa Grandeur le récite tout au long avec force éloges dans sa circulaire et invite ses ailleurs à persévérer dans une lutte que le Pape approuve ! Voilà donc un de nos Évêques qui signifie à son métropolitain et à deux de ses collègues qu’ils ne veulent pas de ce que le pape veut !