Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/36

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deau occupés à préparer la crèche, où cette nuit même, le petit Jésus viendrait. La botte de paille que la sœur disposait avec art, tirant les brins tout autour, dans un désordre étudié, me serrait le cœur d’une pitié qui mettait en émoi mon petit cœur de six ans.

Je ne comprenais pas bien que le petit Jésus ayant déjà été si mal sur sa paillasse, et étant tout-puissant, n’exigeât pas une installation meilleure, mais ne pouvant le blâmer, parce que je l’aimais trop, j’étais indignée contre les sœurs, le bedeau et le bon vieux curé, qui, ses lunettes sur le nez, allait et venait, surveillant les travaux, les approuvant, et interrompant la lecture de son bréviaire pour dire d’un air satisfait : « C’est bien, très bien ! »

Le temps passait : l’église s’emplissait d’ombre : hypnotisés, serrés l’un contre l’autre, nous observions en silence les préparatifs si simples de ce mystère si troublant. On avait posé deux lampes allumées, l’une sur un bout de colonne, l’autre sur la rampe du balustre sur laquelle nous étions accoudés. À un moment donné, le curé, les religieuses et le vieux bedeau ayant disparu quelques secondes dans la sacristie, un silence profond régna dans l’église : je ne perdais pas de vue la crèche : tout à coup, une souris s’échappa de la paille, sauta à terre avec un petit bruit sec qui nous fit tressaillir et disparut dans les draperies.

Toute mon émotion se résolut dans une terreur et un crève-cœur sans nom. Quoi ?