Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/41

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très loin rejoindre le ciel bleu. Dans les pins touffus qui bordent la route, de grandes orchidées neigeuses se sont épanouies : leurs formes gracieuses et tourmentées s’accrochent aux aiguilles sombres, comme des choses frêles qui ont peur de tomber.

Ils se sont arrêtés : le calme est presque magique. Aucun bruit ne s’élève parmi tant d’espace, sauf le tintement des clochettes que le petit cheval, en piaffant, secoue avec impatience. L’air frais se pose sur eux comme une caresse, un enchantement mystérieux émane de l’étrangeté du décor, du silence, de la douceur d’affection qui est en eux : ils en sont enveloppés et pénétrés.

Lui, absorbé dans une tristesse dont il ne veut ni se distraire ni parler, elle, comprenant, que ce qu’elle peut donner de meilleur à son ami, en ce moment, c’est sa sympathie muette.

Ils se taisent et leurs silences se comprennent. Ce n’est pas seulement par les expressions voulues de leurs pensées que les êtres humains communiquent…

Plus les âmes sont rapprochées, moins les paroles sont utiles.

Quels mots diraient, sans les exagérer ou les atténuer, les révoltes de cet homme contre le sort mauvais, l’accablement qui le terrasse aux heures noires ou le courage viril qui le pousse à l’action quand il se ressaisit ? Aucune phrase, non plus, n’exprimerait parfaitement la tendresse intelligente