Page:Dessaulles - Lettres de Fadette, première série, 1914.djvu/71

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les bonheurs s’envolent vite ! C’est qu’après une lettre, on en veut une autre, et si elle tarde, on l’attend, d’abord doucement, puis avec inquiétude, puis avec fièvre, et toute la joie des lettres passées se dissout dans l’attente anxieuse qui vous creuse des trous dans le cœur.

Puisque la lettre qui doit vous apporter du bonheur peut finir par créer de l’inquiétude, que dire de celle qui vous fait vibrer à la souffrance de ceux qui vous appellent, que vous sentez seuls, tristes et découragés ?

Et l’autre, celle qui est si banale, qu’en la lisant il vous semble qu’une fée mauvaise a touché votre vie pour la tenir toute. Rien ne brille plus en vous ni autour de vous. Vous attendiez le rayonnement et la chaleur, et c’est de l’ombre froide qui vous transit ; vous attendiez une tendresse, et c’est du papier noirci que vous tenez là et que vous jetez au feu pour lui communiquer la seule chaleur qu’il connaîtra jamais !

Petites lettres grises et blanches, soigneusement fermées, qui gardez si jalousement vos secrets, nous vous aimons et nous vous craignons, et vous ne vous doutez pas que souvent nous vous ouvrons en tremblant bien fort.