sur ce sujet dans un prochain entretien. J’en ai assez dit pour vous faire sentir l’importance de la perte que nous avons volontairement faite.
Nous avons eu le malheur de nous laisser convaincre par de misérables lieux-communs sur le danger des institutions républicaines ; de nous laisser éblouir par les hypocrites promesses que l’on nous faisait de bien gouverner le pays ! Enfin nous avons naïvement ajouté foi aux banales jérémiades que l’on nous débitait sur la bonté, la justice, les vertus de nos très gracieux souverains ; sur l’amour paternel dont ils étaient pénétrés pour leurs chers sujets du Canada ; sur leur ardent désir de nous rendre heureux ; enfin sur la loyauté que nous leur devions et à laquelle nous obligeaient également les lois divines et humaines. Voilà le pitoyable galimatias auquel nous nous sommes laissés prendre, et dont nous avons vénéré les auteurs quand ils ne méritaient que d’être sifflés !
Je viens de prononcer un mot, Messieurs, sur lequel je vous demande la permission de m’arrêter un peu. Je vous ai parlé de loyauté.
Qu’est-ce donc, Messieurs, que la loyauté, telle qu’entendue dans le sens politique qu’on lui donne en Angleterre et ici. Entendons-nous un peu sur ce mot magique avec lequel on remue les masses, et dont les hommes se rendent si peu compte.
La loyauté, dans le sens politique, c’est ce sentiment d’amour, de respect, d’attachement, de vénération, de fidélité, de dévouement personnel que l’on doit à la personne du roi. Donc dans une monarchie absolue, l’on doit au roi, sauf l’adoration, tout ce que l’on doit à Dieu, — en y mettant, si l’on veut, moins d’intensité de sentiment, — cela dépend des dispositions et des goûts de chacun. Voilà le droit divin réduit à sa plus simple expression ! Dans ce désolant système, le roi est non seulement un être privilégié, mais il est censé être d’une nature supérieure à la nôtre. Il est, suivant l’expression de Louis xiv, le lieutenant de Dieu. Il ne préside pas la nation, il la possède ! Elle est sa propriété, car il en dispose par testament ! Lui seul a des droits, elle n’a que des devoirs ! Tout relève de lui et il ne relève que de Dieu qui seul peut le juger. Le roi est toujours sage, toujours juste, toujours bien informé, toujours bon, toujours miséricordieux ;