Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/305

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uniquement à la répugnance que cette nation a pour tout ce qui est nouveau ; cette répugnance est un effet bien plus qu’une cause. La vraie raison est que réellement il est extrêmement difficile à un peuple de changer une pareille habitude. Le jour où il s’en aviserait, il faudrait que tout le monde rapprit à lire ; que tous ses instituteurs quelconques changeassent leur enseignement ; ses tribunaux, leurs procédés ; et qu’il renouvellât totalement et sans retard tous ses livres, tous ses registres, tous ses actes publics et privés jusqu’aux moindres affiches, tous ses documens, tous ses manuscrits. Un pareil jour serait pour lui le commencement d’une ère absolument nouvelle, et certainement l’époque d’une révolution prodigieuse, source d’événemens si considérables, que la mémoire ne pourrait s’en être perdue entièrement. Or, puisque l’histoire ne nous l’apprend pas positivement, cela me suffit pour croire qu’un pareil changement n’a jamais eu lieu chez aucun peuple. D’ailleurs, ce n’est point ainsi que procède l’esprit humain.

Un changement brusque et complet ne s’opère jamais parmi les hommes en société : trop d’habitudes