Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/345

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Quand ils ont voulu nous expliquer la théorie générale du langage, ils se sont arrêtés aux mots qu’ils ont trouvés en usage dans les langues orales déjà perfectionnées. Ils ont employé tous leurs efforts à les classer et à les dénommer méthodiquement. N’étant guidés que par des principes qu’ils s’étaient faits arbitrairement, ils ont tous été d’avis différens. Les formes de ces élémens du discours leur faisant illusion, ils n’ont pu en démêler complètement la nature et les fonctions ; et ils ont fini par en méconnaître si bien l’origine et la génération, que plusieurs d’entr’eux ont imaginé qu’il fallait qu’un être surnaturel eût donné aux hommes un langage tout formé, ce qui n’est autre chose qu’avouer qu’on ne sait pas comment les hommes sont parvenus à le composer ; tandis que si on était remonté jusqu’aux premiers cris qui nous sont dictés par la nature, on aurait vu qu’ils expriment une proposition toute entière, que bientôt on a séparé le sujet et l’attribut de cette proposition, que le nom a représenté l’un, que le verbe a représenté l’autre, et que tous les autres mots sont des complémens, des développemens, et des dérivés de ceux-là.