Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/51

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qui d’abord exprimaient, bien ou mal, les propositions tout entières.

L’essence du discours est donc d’être composé de propositions, d’énoncés de jugemens[1]

Ce sont là ses vrais élémens immédiats ; et ce que l’on appelle improprement les élémens, les parties du discours,

  1. C'est-là que me paraît être uniquement le langage des animaux. Il est tout composé de propositions, d'énoncés de jugemens, et il ne renferme jamais de simples noms d'idées. Assurément ils sentent, ils se souviennent, ils jugent et ils veulent : cela est impossible à méconnaître. Les moins intelligens d'entr'eux manifestent ces impressions d'une manière si positive et quelquefois si énergétique, je dirais presque si éloquente, que je ne crois pas que nous ayons aucune preuve plus certaine qu'elles existent dans nos semblables. Leurs gestes ou leurs cris disent donc très-bien, je sens, je juge ou je veux cela. Ce sont de vraies propositions tout aussi intelligibles que celles de notre langage d'action, et même que celles de nos langues les plus perfectionnées. Mais aucun de ces gestes ou de ces cris, même dans les espèces les plus modifiées et les plus développées par la société et l'exemple de l'homme, n'est jamais le nom propre d'une idée isolée, détachée de son attribut. Or cela ne tient point au mutisme : car beaucoup d'animaux émettent des sons, quelques-uns même articulent très-bien. D'ailleurs cette opération pourrait également s'effectuer avec des gestes. Dans nos langages par gestes, il y en a qui représentent un nom ou une idée détachée, et d'autres un verbe ou son attribut séparé d'elle.