Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, seconde partie.djvu/52

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ce sont réellement les élémens, les parties de la proposition. Ceci nous avertit que, pour continuer nos recherches, c’est actuellement de la proposition que nous devons nous occuper : et c’est sur-tout dans le langage articulé que nous devons l’étudier,

    des gestes. Dans nos langages par gestes, il y en a qui représentent un nom ou une idée détachée, et d'autres un verbe ou son attribut séparé d'elle. Je pense que c'est donc cette capacité d'isoler une idée partielle, de détacher une circonstance d'une impression totale et composée, de séparer un sujet de son attribut, d'abstraire en un mot et d'analyser un certain point, qui manque aux animaux, qui fait que leur langage n'est jamais qu'une série d'interjections, qu'une suite de propositions implicites, et qui constitue toute la différence entr'eux et nous ; s'ils l'avaient,ils décomposeraient leurs perceptions ; ils se créeraient des signes pour exprimer les idées résultantes de cette décomposition. Ces signes allieraient les souvenirs de ces idées à des sensations, les transformeraient en sensations, comme ils font pour nous ; ils raisonneraient avec ces signes, comme nous faisons nous-mêmes. C'est donc à la décomposition de la proposition dans ses éléments que se marque la séparation entre la brute et l'espèce intelligente par excellence. Jusque-là, je vois tout semblable entr'elles, ou du moins il n'y a de différence que du plus au moins. Cette observation suffit, je crois, pour faire sentir toute l'impor-