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CHAPITRE II.
Décomposition de la Proposition dans tous les langages, principalement dans le langage articulé, et spécialement dans la langue française.


Il est donc certain que toute proposition est l’énoncé d’un jugement ; il est manifeste que le discours n’a aucune signification, quand il n’exprime pas un jugement quelconque. On ne peut pas même douter de ces vérités, quand on réfléchit sur la nature de notre intelligence, qui consiste toute entière à sentir et à juger, c’est-à-dire, à avoir des perceptions, et à y démêler des circonstances. Cependant, quand on reporte son attention sur nos langues parlées, on a de la peine à leur faire l’application de ce principe si évident ; on est tenté de penser que l’on a eu tort de le regarder comme tel, et l’on est porté à croire que ces langues expriment beaucoup de choses qui ne sont pas des jugemens. Cela vient de ce que nos langages articulés ont été si travaillés, si tourmentés, si sophistiqués ; ils ont revêtus des formes