Page:Destutt de Tracy - Élémens d’idéologie, troisième partie.djvu/281

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jugemens postérieurs et des abstractions successives qui en sont la suite, nous les généralisons et nous en faisons des idées de genres, de classes, et d’espèces, au point que dans nos langages, nous n’avons plus un seul mot qui exprime une idée individuelle, si ce n’est quelques noms propres. Dans ce nouvel état d’idées générales, elles sont donc de véritables surcomposés, produits d’un grand nombre de différens jugemens, extraits d’une multitude de sujets distincts, et formés d’une quantité prodigieuse d’élémens divers. Arrivées à ce point (et presque toutes nos idées sont telles), combien n’est-il pas facile qu’elles éprouvent des altérations dans leurs renaissances successives ? Combien parconséquent n’est-il pas aisé que les souvenirs que nous en avons soient infidèles et variables ? Ne sent-on pas même qu’il est presqu’impossible qu’ils soient autrement ? La même chose sera encore plus vraie de toutes les idées que nous nommons plus particulièrement idées abstraites, et en général de toutes celles que nous formons par des observations plus fines, et qui ne sont séparées les unes des autres que par des nuances si légères et des distinctions si délicates, qu’il est bien