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logiques

tient à la Logique. D’ailleurs on sent bien que nous ne devons pas nous en occuper d’abord ; car notre sensibilité, comme tout autre objet, ne se manifeste à nous que par ses effets. Pour remonter à ses causes, il faut auparavant la connaître, et pour la connaître, il faut étudier ses effets. Si ensuite je veux tenter la découverte des causes de ma sensibilité, ce sera en me servant des procédés que l’étude de cette même sensibilité m’aura fait reconnaître pour être les meilleurs. Ainsi cette recherche sera une application de la Logique, et non pas une partie de la Logique elle-même.

CHAPITRE TROISIÈME.

Des différens modes de notre sensibilité.

Je suis sûr de sentir, et je suis certain que je ne peux rien éprouver ou connaître qu’en vertu de cette propriété que j’ai d’être susceptible d’être affecté. Mais je ne suis pas moins certain que je suis capable d’une multitude d’affections diverses. Essayons si dans cette multitude nous pouvons reconnaître quelques modes distincts dont nous puissions faire des classes différentes, sous lesquelles il soit possible de ranger toutes nos perceptions, afin de commencer à y mettre quelque ordre, et à y porter quelque lumière.

J’observe d’abord que je suis souvent affecté d’une certaine façon que nous appelons vouloir. Nous connaissons tous, par expérience, par sentiment, cette modification de notre être. Nous savons qu’elle consiste à désirer d’éprouver ou d’éviter une matière d’être quelconque. Je ne puis la confondre avec aucune autre ; ainsi, voilà un mode distinct de ma sensibilité que j’appelle volonté, et ses actes des désirs.

Je remarque ensuite que je ne puis pas concevoir en moi, ni même dans aucun être animé, un désir sans un jugement préalable, implicite ou explicite, qui prononce qu’une telle affection est bonne à rechercher ou à éviter. Quand on juge qu’une chose est désirable, on ne la désire pas encore pour cela. On est affecté en jugeant autrement qu’en désirant ; c’est un autre acte de notre sensibilité. Cette nouvelle action, cette nouvelle fonction, on l’appelle jugement, et les perceptions qui en résultent on les appelle encore des jugemens, tant nos langues sont pauvres et mal faites pour tout ce qui a rapport aux opérations de notre esprit. Cela doit être, car ces opérations, ayant toujours été mal démêlées, ne peuvent être que mal désignées.

Cette action de juger consiste à voir que l’idée que j’ai d’une chose appartient à l’idée que j’ai d’une autre. Quand