Page:Destutt de Tracy - Quels sont les moyens de fonder la morale chez un peuple ?.djvu/6

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À l’égard des jurés, c’est sans doute une belle institution, en ce que ce sont des hommes indépendans et indifférens pour l’accusé. Par conséquent, ni la prévention, ni l’autorité ne peuvent les pousser à l’injustice ; et la première chose est sans doute que ceux chargés de punir les crimes n’en commettent pas eux-mêmes dans l’exercice de leur fonction. Mais ce n’est pas tout ; il faut encore qu’ils veuillent remplir cette fonction suivant l’intérêt général de la société. Or, dans les temps de troubles, emportés ou dominés par une faction, ils agissent souvent en hommes de parti ; et dans les temps calmes, l’excès de leurs scrupules et de leur commisération allant jusqu’à la faiblesse, ils se conduisent fréquemment en particuliers sensibles. Dans l’un et l’autre cas, il n’est pas rare qu’ils manquent de cette impassibilité, la première qualité des hommes publics. C’est donc plus sous le rapport de la liberté que sous celui qui m’occupe actuellement que j’admire cet usage. Toujours est-il certain que, comme tous les autres, dans les premiers moments de son établissement il a presque tous les inconvéniens dont il est susceptible, et presqu’aucuns des avantages qui lui sont propres. Ce qui au reste ne veut pas dire qu’il faille le détruire ; mais en cas de besoin, signifierait qu’il faut le maintenir pour n’avoir pas à l’établir une autre fois.

Quand il y a des jurés, les juges au criminel sont bien moins importans. Cependant je crois utile qu’ils soient, autant que possible, indépendans et des gouvernans et des justiciables. Je les voudrais donc bien payés, nommés à long terme et ambulans. Mais les accusateurs publics ne sauraient être trop actifs. Ils