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Le Petit Soldat

Quand il eut terminé son récit, elle parut touchée de compassion, & lui dit :

« La semaine passée, en pêchant à marée basse, je sentis, au poids de mon haveneau, qu’il ramenait autre chose que des crevettes. Je le retirai avec précaution, &, à travers les mailles, je vis un grand vase de cuivre fermé & scellé de plomb. Je l’apportai ici & le mis sur le feu. Quand le plomb eut un peu fondu, j’achevai de l’enlever avec mon couteau & j’ouvris le vase. J’y trouvai un manteau de drap rouge & une boursette contenant cinquante florins. Voilà le manteau sur mon lit, vous voyez le vase là, sur la cheminée, & j’ai enfermé la bourse dans ce tiroir. »

Et, ce disant, elle ouvrit le tiroir de la table.

« Je gardais les cinquante florins pour ma dot, car je ne puis toujours reſter seule…

— Vous n’avez donc, interrompit Jean, ni père ni mère ?

— Ma mère eſt morte en me mettant au monde ; mon père & mes deux frères sont depuis un an au fond de la mer avec notre barque.

— Pauvre enfant ! vous ferez bien, en effet, de vous marier le plus tôt possible.

— Oh ! rien ne presse ; & comme il n’eſt guère probable que je trouve si tôt un mari à mon goût, voici la bourse, prenez-la. Après que vous vous serez bien reposé, allez au port voisin, qui n’eſt