Page:Deulin - Contes d’un buveur de bière, 1868.djvu/120

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

114
Contes d’un buveur de bière

dégoûterai de la vouloir pour femme. Le bel animal qu’une fille cornue ! »

Pour s’assurer de la double vertu des prunes, il recommença bravement l’expérience. Il fabriqua ensuite une manière de corbeille avec des brins d’osier qu’il cueillit le long du ruisseau, y déposa des prunes des deux espèces, puis il alla à la découverte. Il marcha plusieurs jours, ne vivant que de fruits & de racines, avant d’arriver à un endroit habité. Sa seule crainte était que ses prunes ne vinssent à se gâter en route : il reconnut avec bonheur qu’à leur merveilleuse propriété elles joignaient celle de se garder intactes.

Il souffrit vaillamment la faim, la soif, le chaud, le froid & la fatigue ; il faillit plusieurs fois être dévoré par les animaux féroces, ou mangé par les sauvages ; rien ne put le décourager. Il était soutenu par cette idée qu’il aurait sa revanche.

« Je leur prouverai, se disait-il, que, pour être petit & peu défiant de sa nature, le Rôtelot n’eſt mie plus bête que messieurs les rois, ses grands compères. »

Enfin, il parvint en pays civilisé, & avec le produit de quelques bijoux, dont il était paré le soir de l’enlèvement, il prit passage sur un vaisseau qui faisait voile pour les Pays-Bas. Il aborda, au bout d’un an & un jour, à la ville capitale du royaume.